Vo'Hounâ, Neandertal, La guerre du feu : ces sagas parues entre 2002 et 2018 ont révélé et confirmé le talent d'un auteur devenu la référence actuelle de la bande dessinée préhistorique. Né en 1971, Emmanuel Roudier est un illustrateur passionné de préhistoire dont il utilise l'univers pour développer dès les années 90 un jeu de rôles qui deviendra « Würm », primé d'un « Grog d'or » en 2012. Dans la lignée des grands héros préhistoriques comme Tounga ou Rahan, il créé ensuite ses propres personnage de bande dessinée : la belle chamane Vo'Hounâ et l'artisan boiteux Laghou, tous deux Néandertaliens confrontés voire métissés à Homo sapiens. Après avoir mis en bulles le roman de J.H. Rosny Aîné « La guerre du feu », parue en 2018 aux éditions Delcourt, il vient de publier aux éditions Fedora « Rozel, l'empreinte des Hommes-Oiseaux ».

Précision scientifique et puissance romanesque

Quand il se lance dans un projet d'album, Emmanuel Roudier effectue un long travail de documentation scientifique afin de restituer, au plus près des avancées de la recherche, le quotidien de nos lointains ancêtres. Avec une précision de trait aussi fin que puissant, il peut ainsi projeter son lecteur dans une nature extrêmement détaillée où évoluent une faune et des hommes au regard expressif et à l'anatomie réaliste. A Rozel, ce site exceptionnel découvert en 1967 sur la côte ouest du Cotentin et dont l'érosion littorale ne cesse de révéler les vestiges néandertaliens (mais sommes-nous bien en présence de néandertaliens ?), les fouilles toujours en cours ont mis au jour des centaines d'empreintes humaines et de nombreux résidus organiques (patte de buse, aile de goéland, mandibule de morse...). Les scientifiques ont livré au dessinateur les résultats de leurs campagnes intégrés dans un récit d'aventure archéologique où se rejoue le drame de la disparition d'Hommes-Oiseaux aux étranges croyances. Animé avant tout par l'envie de partager des émotions et des histoires qui touchent au coeur de notre propre condition d'être humain, Emmanuel Roudier construit son oeuvre autour d'une question vertigineuse : « comment l'humanité a-t-elle vécu pendant 99 % de son histoire ? ». De quoi justifier amplement sa ténacité à réhabiliter Néandertal, qui contrairement aux idées toujours reçues « n'était pas une grosse brute ».